Déplacement des serres

L’un des enjeux du maraîcher est d’entretenir la fertilité du sol, année après année, cultures après cultures. Les plantes ont besoin d’eau et de nombreux éléments nutritifs qu’elles puisent dans le sol. Il est très difficile d’apporter exactement ce dont a besoin la plante au moment où elle en a besoin et un sol de mauvaise qualité fixe mal les apports, qui sont lessivés aux premières pluies et finissent dans les ruisseaux puis finalement dans la mer. Et comme la plante a besoin en continu d’éléments nutritifs, il est nécessaire d’apporter toujours des fertilisants dans les sols de mauvaise qualité ce qui engendre la pollution des cours d’eau, celle des nappes phréatiques et la prolifération des algues vertes toxiques sur les côtes.
Il est donc indispensable d’avoir un sol de qualité avec un fort pouvoir de rétention de l’eau et des éléments nutritifs. Et pour cela, il faut un sol vivant, riche en micro-organismes qui décomposent la matière organique, forment l’humus du sol et mettent à disposition en continu les éléments chimiques dont les plantes ont besoin. Le principe de l’agroécologie est d’avoir des pratiques culturales qui permettent de développer naturellement cette vie du sol.
Or, que se passe t’il sous les serres ?
L’intérêt des cultures sous abris et de pouvoir cultiver toute l’année. Nous arrivons à faire se succéder jusqu’à 4 cultures par an sous serre alors que nous n’en faisons que 2 en plein champ. De plus, le sol des serres est à l’abri de la pluie. Étant vigilant sur nos prélèvements en eau, nous arrosons en goutte à goutte avec parcimonie. Grâce au paillage, cela est suffisant pour alimenter les cultures mais est insuffisant pour le développement harmonieux des micro-organismes. Année après année la vie du sol diminue et inexorablement le sol s’appauvrit.
La solution : le déplacement des serres !
Nous avons conçu notre micro-ferme pour pouvoir déplacer nos 7 serres de 20 x 8 m tous les 2 ans. Pour cela, nous avons fait le choix de serres renforcées avec des arceaux tous les 2 m et non tous les 3 m afin qu’elles supportent un déplacement. Les bâches de nos serres ne sont pas enterrées et les serres sont fixées au sol par l’intermédiaire amarres à frapper et de tendeurs à lanterne démontables. Ainsi nous pouvons fixer un système de roues (développé par l’Atelier Paysan) au pied de chaque arceau puis pousser nos serres sur les chemins de roulement en toile tissée que nous avons préparés dès le montage initial des serres. Après une translation de 20 mètres, les serres recouvrent une zone de sol vierge et nous pouvons laisser se régénérer le sol libéré. Il sera alors à l’air libre et recevra toute l’eau issue des précipitions. Il sera re-cultivé 2 ans plus tard, lorsque les serres reviendront dans leur position initiale.
Afin d’aider le sol à se régénérer, nous planterons 3 sortes d’engrais verts en alternance sur les zones libérées.:
– du trèfle d’Alexandrie
– du sorgho
– un mélange d’avoine + vesce
Avant remise en culture, les engrais verts seront broyés puis intégrés au sol afin de l’enrichir. Le sol sera ensuite bâché pendant 4 mois afin de finaliser la destruction de l’engrais vert et d’éviter qu’il ne repousse.
Le trèfle est un fixateur d’azote. Il a la capacité de prélever l’azote de l’air et de le stocker dans le sol pour le mettre ensuite à disposition des plantes Il se développe très vite et étouffe les mauvaises herbes.
Le sorgho produit une grosse quantité de matière organique qui se transforme en humus. Cet engrais vert permet d’améliorer le complexe argilo-humique du sol et d’augmenter sa capacité à stocker les éléments nutritifs utiles aux cultures.
La vesce est un fixateur d’azote comme le trèfle. L’avoine possède des racines très profondes permettant de décompacter et d’aérer le sol en profondeur.
Il existe un fabriquant de serres qui propose des serres sur rail permettant un déplacement aisé. Malheureusement ces serres sont hors de prix et nous n’avons pas eu le budget pour cet investissement. La solution de déplacement évoquée ci-dessus est moins onéreuse mais demande beaucoup de travail pour chaque déplacement. C’est pourquoi, les maraîchers pratiquant le déplacement des serres sont très rares.
Nous n’avions pas encore testé le déplacement de nos serres. C’est avec anxiété que nous avons organisé samedi 30 août 2025 un chantier participatif pour mettre en pratique cette belle théorie.
Après une semaine de travaux préparatoires sur 3 serres et les zones allant les recevoir, nous nous sommes lancés, admirablement aidés par un groupe d’amis et de clients. A 10 personnes, nous avons réussi, pour notre plus grand bonheur, à déplacer 3 serres en 3 heures !
Grâce à ce retour d’expérience, nous serons meilleurs pour le déplacement des 4 autres serres début octobre et nous savons dorénavant qu’il suffit de 6 personnes pour y arriver !
Un grand merci à Martine, Sandrine, Élodie, Carole, Charles, Renaud, René, Hubert et Frédéric pour leur précieuse aide et leur soutien indéfectible !
Pour le plaisir du mouvement, une petite video du déplacement d’une serre : https://youtu.be/oLdnqifvTnI



